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L’îlot d’Armagnac est situé à la limite nord du quartier Belcier, juste au sud du quartier St-Jean et de la gare du même nom. C’est lorsque Bordeaux était protégé par des murailles, au XVème siècle que le quartier prît forme, sous forme de faubourg. Il attirait surtout une population pauvre et délabrée, puisque les seules institutions qu’on y trouvait fûrent des hospices. C’est l’arrivée d’une connexion ferroviaire avec le reste du pays qui changeât la face du quartier dès 1859, en l’isolant du reste de la ville. Bien que la gare St-Jean, où la majorité des wagons s’arrêtaient, ne fût complétée qu’en 1902, une gare temporaire accueillait le nouveau flot de gens et surtout de marchandises. Par contre, la gare fût construite du côté nord des rails, tournant ainsi le dos au quartier de Belcier. Les activités commerciales se sont alors déplacées vers un nouveau point focal, le marché des Capucins, qui est d’ailleurs toujours en activité. La rive sud des voies ferrées évolue alors en secteur manufacturier, particulièrement dans le secteur de la transformation et de l'entreposage d’aliments. L’îlot d’Armagnac est à ce moment entièrement occupé par des entrepôts, tandis que le faubourg de Belcier est peuplé d’ouvriers. Ceux-ci résident dans des habitations plutôt basses et étroites.





























Les rues du secteur étant assez vivante, il est naturel que la place Ferdinand Buisson en soit le cœur vert et social. En effet, la majorité des rues y aboutissent de Belcier. Cependant, puisque les fonctions résidentielles disparaissent totalement des abords des rails au début du XXème siècle, la coupure entre le quartier St-Jean et Belcier s’accentue. Ce n’est qu’à partir des années 1960 que les autorités s’intéressent au développement du sud de la gare St-Jean, puisque des problèmes de drogues et de prostitution y sont déjà recensés à l’époque. Un projet de logements sociaux avec des typologies diversifiées voit le jour à la limite sud d’Armagnac, rue Léon Pallière. Bien que les édifices qui le composent soient en hauteur, ils sont plutôt de type pavillonnaire, ne réussissant pas à consolider le tissu urbain fragmenté.  C’est finalement en 2007 que tout le secteur de la gare St-Jean est ciblé par la municipalité. C’est la rénovation du parvis de la gare qui a lancer le bal, en vue de redévelopper ce secteur au cœur de la ville, à temps pour l’ouverture de la ligne de TGV vers Paris en 2016. On compte développer un quartier d’affaire aux abords de la gare et de revamper Belcier, puisque ce quartier sera une vitrine pour les millions de gens qui y transiteront.  C’est le nombre élevé d’îlots et même de cœurs d’îlot sous-développés qui permettront au cœur de se redévelopper, au lieu d’agrandir le territoire urbain de la ville.





L'îlot d'Armagnac dans le quartier Belcier

Bien qu’une partie de ces habitations ne possèdent pas de jardins, certains logements sont organisés de telle manière, qu’ils disposent d’un espace privé extérieur. Ce type d’habitat unique à la ville de Bordeaux, qui y est très populaire depuis le XVIIème siècle, s’appel l’échoppe. Alors qu’elle est synonyme de boutique dans le reste de la France, elle est, à Bordeaux, strictement réservée à l’habitation. D’abord un logement ouvrier, elle devient rapidement prisée des bourgeois, dû à son organisation interne qui lui confère des espaces de vie éclairés et un petit jardin privé. Ces petites maisons en rangée, basses et assez banales, restent tout de même un système de ville dense, dans lequel des espaces verts sont intégrés et où la rue, animée et habitée est le prolongement naturel de l’espace privé.

source: wikifile​

Les échoppes

Les plans d'urbanisme


L’îlot d’Armagnac et ses environs se développent en concert avec une vision concrète de la ville, qui est décrit dans un plan d’ensemble nommé Plan Local d’Urbanisme (PLU). Celui-ci est un ouvrage de référence qui est le fruit d’un effort précoce de la part des autorités gouvernementales de tous les niveaux. Dans les années 1960, alors que la France est encore très centralisée, c’est la Délégation Interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (DIATAR) qui tente de rétablir l’équilibre entre Paris et le reste du pays, en terme économique et démographique. Huit « métropoles d’équilibre » sont désignées, dont Bordeaux. Sous la même impulsion, la délégation fusionne ensemble le ministère de la construction avec celui des travaux publics, afin de créer le ministère de l’équipement en 1964. C’est le premier outil efficace que se donne le pays pour répondre à l’insuffisance des infrastructures, en regroupant sous une même entité la fiscalité et l’urbanisme.





Pour Bordeaux, la DIATAR souhaitait rééquilibrer le développement sur les deux rives de la Garonne. Le ministère de l’équipement a pour mandat de mettre en œuvre cinq franchissements sur le fleuve (dont le dernier sera inauguré cette année), afin de faciliter le transit automobile d’une rive à l’autre. Pour se faire, les activités portuaires sont transférées en aval de la Garonne, diminuant du même coup la réception et la transformation de la marchandise à la gare St-Jean et donc du secteur de l’îlot d’Armagnac. Toujours dans l’optique d’améliorer l’accès à l’automobile, un système de boulevard périphériques, les rocades, reliées par des pénétrantes qui se rendent au centre de la vieille ville, est construit.





Au niveau municipal, le maire Jacques Chaban-Delmas était en poste depuis 1949, après avoir été ministre. La stabilité de l’administration, ainsi que les connexions du maire au ministère, ne sont pas étranger aux sommes massives investies dans les infrastructures routières de la ville. Néanmoins, le maire a créé l’agence d’urbanisme de l’agglomération bordelaise en 1967.  Cette agence était révolutionnaire pour deux raisons : elle voulait appliquer l’urbanisme sous un angle pluridisciplinaire et voulait, contrairement à l’Élysée, favoriser le transport en commun et sur deux roues (A-Urba, p.25). L’agence élabore aussitôt un Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme, qui ne sera cependant pas approuvé avant 1980. Son impact fût donc minime,  d’autant plus qu’il n’avait qu’un rôle consultatif. Entre temps, l’attrait de la population pour la banlieue ne fait pas exception à Bordeaux, où le développement au centre est  plutôt minime.





Le développement automobile s’essouffle au tournant des années 1980. Alors que la croissance espérée dans les années soixante ne s’est pas avérée, la ville a tout de même été percée de larges boulevards urbains de deux voies par deux voirs et coupée de son fleuve par un corridor automobile pouvant atteindre pas moins de dix-neuf voies.  La loi Deferre de 1982 modifie le Schéma directeur en intégrant les niveaux économiques, environnementaux et sociaux du développement. On y adapte une vision à long terme sur vingt ans. Ne réussissant toujours pas à insuffler le dynamisme manquant à la ville, le schéma est remplacé par les Plans locaux d’urbanisme (PLU), sous la tutelle de la loi Solidarité et renouvellement urbain de 2000. Son rôle est d’harmoniser l’ensemble des politiques publiques d’habitat et de déplacement. Ce sont aussi les PLU qui confèrent des mesures de protection et de mise en valeur « à la parcelle » aux échoppes. Ceci permet donc de faire du cas par cas pour ces logements uniques à Bordeaux. Suite à ce travail de cohérence, les PLU sont modifiés par le Projet d’aménagement et de développement durable (PADD) de 2004, pour fixer les grandes lignes de développement de l’agglomération en termes législatifs. Il présente les conditions de réalisation de projets urbains à l’échelle de quartier. Le PADD marque le passage d’un urbanisme normatif d’équipements à un urbanisme de projets cohérents avec la ville. La dernière révision des PLU a été influencée par le Schéma de cohérence territoriale (SCoT) en 2010. Grâce au SCoT, les PLU s’assurent que les projets d’urbanisme intègrent un équilibre de croissance économique et démographique, ainsi qu’un respect de l’environnement. Ils renforcent aussi la transversalité de la planification, instaurée par l’agence d’urbanisme en 1967. Les documents d’urbanisme de Bordeaux ont donc prescrit au fil des années une intégration de plus en plus pluridisciplinaire et une échelle d’approche plus locale, tout en assurant une harmonisation des projets à l’échelle régionale. 





À la lumière de ces renseignements, il apparaît que la fragmentation de l’ancien îlot manufacturier d’Armagnac présente de nombreux défis. Étant situé à la limite sud du quartier de Belcier, il joue un rôle clé dans la reconnexion du faubourg avec le reste de la ville. Au niveau démographique, les concepteurs espèrent apporter une nouvelle clientèle dans le quartier. Les habitants actuels y sont surtout des ouvriers et des marginaux et les visiteurs sont généralement composés de la clientèle des boîtes de nuit qui se trouvent au nord de l’îlot. Prostitution et drogue font légion dans le quartier. Sans éliminer ces problèmes (puisqu’ils ne feront que ressurgir ailleurs), il faudra apprendre à composer avec ses défis et penser à intégrer des lieux d’aide pour ces personnes. Dans le même ordre d’idées, il faudra séparé l’importante circulation de transit et la circulation locale. Cela doit se faire de concert à la reconnexion du quartier de Belcier avec le reste de la ville. La reconfiguration des entrepôts du Marché d’intérêt national (MIN) sont aussi nécessaire afin de briser la barrière qu’ils forment à la limite sud-est du quartier. Il n’en reste pas moins que le principal défi de l’îlot d’Armagnac, avec sa diversité d’usage et d’usagers, sera l’intégration des nouveaux habitants aux anciens. Autrement, l’arriver de nouveaux résidents plus aisés et n’ayant aucun rapport avec les habitants présent de Belcier pourrait exacerber la ghettoïsation du vieux quartier.

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