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TRAME VERTE ET ADAPTATION AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES

La trame verte ou ‘’greenway’’ connait une popularité grandissante auprès des villes et devient un axe central dans la stratégie de développement urbain comme le démontre l’exemple de Vancouver et Indianapolis. Un nouveau regard sur le rôle des espaces verts dans nos sociétés est introduit par le concept de trame verte qui combine la notion du survivre ensemble (préservation des écosystèmes) à celle du mieux vivre ensemble (bienfaits sociaux et culturels). Cette nouvelle vision entraîne une superposition des fonctions que doivent revêtir ce système d’infrastructure verte qui soulève de nombreux questionnements sur la maîtrise de ses échelles d’implantation, sur la cohabitation des usages et la capacité de préserver la biodiversité en milieu urbain. La trame verte se présente par sa forme et la volonté de flexibilité de ses espaces comme une solution d’adaptabilité aux changements climatiques. Ce texte développera les origines, les objectifs, les enjeux et les impacts du concept de trame verte en présentant une critique de ce concept.  





FONDEMENT DU CONCEPT DE TRAME VERTE



La trame verte se définit à l’image d’une mosaïque d’habitat mouvant dans l’espace et dans le temps, permettant un assemblage de la diversité des écosystèmes et de leur évolution future par un continuum biologique ou physique. La trame verte n’est pas uniquement constituée d’espaces végétalisés et ne peut être réduite aux politiques de verdissement des villes. Elle se fonde sur une planification écologique qui s’inscrit à l’intersection de l’environnement et de l’aménagement, utilisé comme un moyen d’améliorer le cadre de vie.


La trame verte poursuit d’une part, les objectifs d’une meilleure circulation des individus, d’une amélioration de l’esthétisme et de l’hygiène urbaine associés à l’aménagement des parcs, squares et avenue-promenade du 19 e et 20 e siècle. [Donadieu, 2003]D’autre part, elle s’inscrit dans les politiques de conservation et de préservation des espaces naturels développés dans les concepts de ceintures vertes et de réserves au courant des dernières décennies. La tendance était alors de concentrer et de préserver la nature dans de grandes zones définies en délaissant  les espaces de plus en plus fragmentés de l’urbain.


Rosenzweig (2002) élabore dans son ouvrage Win-Win Ecology, une approche qui encourage la création de la biodiversité dans les milieux urbains. Ce scénario démontre que l’amélioration de la biodiversité et le renforcement de l’emploi de plantes indigènes dans l’espace urbain se révèle une situation gagnante pour tous. Le principe de trame verte se base de ce scénario.





LES OBJECTIFS DE LA TRAME VERTE


Les motifs et les objectifs des décideurs politiques et des professionnels de l’aménagement, d’implanter le concept de trame verte urbaine poursuite cinq grands objectifs; l’amélioration de la qualité de vie, l’augmentation de l’accès à un espace vert,  la reconnexion des circulations, la préservation de la biodiversité et l’élaboration d’une stratégie de développement durable.


Ses objectifs tentent de préserver la capacité d’évolution des processus écologiques afin d’assurer la continuité des services face aux besoins humains et ainsi diminuer la vulnérabilité de ceux-ci aux effets des changements climatiques. Ils se fondent sur des enquêtes auprès des populations urbaines des pays occidentaux et démontrent une forte demande sociale pour la proximité à la nature au sein des villes (Clergeau, 2007) et  un usage soutenu des parcs urbains (Boutefeu, 2005). En réponse aux  besoins grandissants des populations urbaines,  le concept de trame verte tend à faciliter l’accès, la proximité et la diversité des espaces naturels. Cette volonté à la fois sociale et politique devient un moyen d’inclusion et d’égalité des citoyens qui offre des lieux d’éducation, de loisir et de détente collective. La volonté de réduire l’usage de l’automobile et d’encourager les déplacements par des mobilités douces renforcent la notion du maillage et des connexions de la trame verte dans la ville. Témoignant d’une volonté de renverser la logique entre les espaces naturels et les espaces urbanisés symbolisant le passage d’une vision minérale à une vision végétale de la ville.





ENJEUX DE LA TRAME VERTE​


Un des principaux enjeux de la trame verte  réside dans la construction de continuités spatiales entre les espaces naturels existants et l’intégration de nouveaux espaces de biodiversité. Suite au constate que la fragmentation de l’habitat résultant des activités humaines a augmenté l’isolement des zones de biodiversité et menace la viabilité. L’idée de penser la trame verte comme une infrastructure écologique mise en réseau vise à reconnecter entre eux les pôles de biodiversité afin d’accroître la circulation des espèces et leurs interactions. Le principe de la trame verte se base sur l’hypothèse qu’un vaste réseau regroupant des espaces naturels permettra l’évolution géographique des aires de répartition des espèces qui leur permettrons de mieux faire face au changement à long terme du climat et ainsi assurer la continuité de la biodiversité.


La plus grande partie de nos contacts avec la nature se fond aujourd’hui dans le cadre d’espace urbain dû au nombre croissant de personne habitant les villes. La biodiversité qui y perdure revêts dès lors d’une grande importance. La conservation des écosystèmes ne joue pas un rôle uniquement biologique ou environnemental mais aussi identitaire. Elle acquiert un rôle important dans le design d’un lieu en contribuant à son unicité, au processus de reconnaissance et de différenciation de celui-ci. Ses processus se concrétisent entre autres par la réintroduction d’espèces indigènes dans le paysage inversant le phénomène d’homogénéisation biotique par McKinney and Lockwood 1999.


Le second enjeux de la trame verte est d’établir une infrastructure écologique qui produit et supporte des services sous la forme d’un réseau. Selon le Millennium Ecosystem Assessment (2005) trois grandes fonctions de services sont reconnues aux écosystèmes. Les services d’approvisionnement qui correspondent à la fourniture de biens de consommation primaire comme la production alimentaire d’un potager. La deuxième fonction s’articule autour des services culturels; espace pour les loisirs et la création de liens sociaux. Et enfin, les services de régulation environnementale qui permettent de limiter les impacts des changements climatiques (amélioration de la rétention des eaux) ou des activités humaines.


La conception des espaces de la trame verte doit relever le défi de faire cohabiter ses usages culturels et les besoins des écosystèmes assurant la biodiversité. Cette volonté interroge les concepteurs dans leur compréhension du fonctionnement de l’écosystème urbain qui devient un incontournable pour maîtriser l’outil urbanistique de la trame verte. Elle soulève le questionnement sur le type d’aménagement permettant d’assurer l’évolution et la continuité des processus écologiques en un lieu et la hiérarchie des usages lors de conflits entre les besoins de la population et ceux de la flore et de la faune? Le système d'aménagement ne peut plus être conçu dans un cadre défini découlant du découpage d’un territoire ou de la répartition uniforme d'un système. Les processus de planification et de design des espaces doivent se repenser afin de permettre une flexibilité de la forme dans le temps et dans l’espace afin d’augmenter les possibilités d’évolution de la nature et d’inclure la diversité qui la caractérise.


La ville d’Indianapolis dans son plan d’aménagement fait le choix de concevoir quatorze corridors dont sept seront aménagés en vue d’un usage et d’une circulation intensive du public. Les sept autres seront désignés comme des corridors de conservation dont l’accès au public sera restreint.  La ville de Vancouver hiérarchise aussi les différents types d’espaces (grande réserve et zone de conservation en bordure, espace plus aménager au cœur de la ville) comme le démontre les carte de la figure 1. Elle porte une attention particulière dans ses stratégies de design aux zones de rencontre entre les espaces de réserve et ceux ouvert au public en créent des zones de tampon entre les usages trop conflictuels. 





CONDITION DE RÉUSSITE


Un des points essentiels dans la réussite d’une trame verte réside dans la capacité des concepteurs d’intégrer les différentes échelles, d’harmoniser leurs enjeux respectifs, de conserver la continuité et la cohérence des principes aux travers des multiples interventions. La trame verte se doit d’être pensé à toutes les échelles spatiales (microclimat, quartier, ville et territoire) et temporelles (saison, cycle de régénérescence) pour tenir compte de la diversité des processus naturels et des besoins de la population. Cette prise en compte de la complexité des échelles offre de meilleures chances d’adaptabilité à la faune et la flore d’un écosystème mais aussi une plus grande appropriation des lieux par la population. La théorie de la hiérarchie dans la conception du paysage développée par Forman, Dramstad et Olson (1996) propose une grille pour organiser l’information aux différentes échelles spatiales afin d’aider les concepteurs à juger de la pertinence des échelles en réponse aux besoins de la biodiversité d’un site.  

La volonté de préservation de la biodiversité et l’élaboration d’intervention d’aménagement sur les écosystèmes visent à diminuer la vulnérabilité des territoires et des populations. La réussite des interventions entreprises est dépendante de la réaction de ces divers milieux aux transformations humaines qui leur sont apportées. Selon Horwitz, Lindsay and O’Connor (2001) la modification ou la disparition dans un écosystème peut avoir des impacts imprévus et néfastes sur la santé physique et psychologique d’une population et changer leur perception et leur rapport à leur environnement. Ce phénomène correspond aux risques de maladaptation. Il désigne une intervention qui au lieu d’améliorer la qualité de vie et la résilience d’un environnement aura l’impact inverse en aggravant les inégalités sociales et/ou la vulnérabilité du lieu ou de ses habitants. Les risques peuvent être d’ordre sanitaire, technique, politique ou social. L’embourgeoisement d’un quartier après la revitalisation des espaces publics à proximité, l’augmentation du taux de transmission d’une maladie, l’apparition de plantes parasitaires due à l’implantation de plantes exotiques sont quelques exemples des risques imprévus d’un projet.





IMPACT DE LA TRAME VERTE


L’amélioration de la qualité de vie des habitants suite au renforcement et à  la création de nouveaux espaces naturels diversifiés au sein de la ville est relié à l’augmentation du confort urbain au niveau sonore (écran protecteur, bande tampon), au niveau visuelle (embellissement, esthétique des lieux) et au niveau thermique (ilot de fraîcheur, diminution effet du vent). Il  améliore aussi les services de régulation offert par les écosystèmes comme la régulation hydrique ou l’épuration des eaux usées.


L’amélioration du cadre de vie est intimement lié à l’image projeté par la ville et renforce son attractivité économique. Le calcul des retombées économiques liées directement à l’instauration d’une trame verte comme le démontre l’étude d’Indianapolis se révèle complexe. Les effets direct furent l’augmentation du foncier et les effets indirectes plus difficilement cernable ont permis de constater une augmentation de l’économie locale.


Les effets bénéfiques de la nature sur l'être humain furent démontrés dans plusieurs études comme celle portant sur le développement dans les banlieues de lien sociale plus fort [Kuo 1998] ou  la diminution de la violence domestique en augmentant la plantation d'arbres [Sullivan and Kuo 1996]. La trame verte améliore la proximité, la facilité d’accès et de déplacements au sein d’un réseau d’espace naturel qui augmente le recours aux mobilités douces.


L’exemple de The Central Valley Greenway  à Vancouver démontre l’intégration des objectifs de la trame verte dans le design permettant l’appropriation de la population. Il fut conçu comme un panorama sur les différents milieux naturels présents au sein de Vancouver. Le parcours principal n’est pas seulement un axe de circulation dans la ville mais un lieu de destination en lui-même. Il permet de relier des destinations naturelles populaires comme le Burnaby Lake ou la promenade océanique tout en  connectant les réseaux d’espaces naturels des quartiers adjacents. Ce maillage permet aujourd’hui à plus de 92% de la population de résider à moins de cinq minutes d’un espace naturel.  Le design de ses espaces porte une attention particulière à la sécurité (priorité piéton, éclairage de nuit, balise, visibilité) et à l’accessibilité pour toute les catégories de population (pente faible pour personne âgée, espaces de loisirs variés).  


L’impact de la trame verte sur la préservation de la biodiversité est l’élément le plus incertain du bilan des trames vertes. L’étude du projet à Indianapolis selon les indicateurs environnementaux ne révèle pas une amélioration notoire de la qualité de la biodiversité. Ce constat s’explique par le manque d’outil pour mesurer globalement les effets ainsi que des lacunes dans la connaissance et la maîtrises des phénomènes biologiques par les aménageurs. 




CRITIQUE


On constate d’une part le manque de données pour bien évaluer l’ensemble des impacts que peut avoir la trame verte dans un milieu urbain. Ses lacunes sont plus fortes dans le domaine de la préservation de la biodiversité considérant le manque de recherche sur les échelles appropriées pour répondre correctement aux questions de l’accommodation des animaux et des plantes indigènes dans l’espace urbain (Miller and Hobbs, 2002), à la faiblesse de la surveillance rétroactive des projets pour mesurer l’efficacité des actions et à la naissance de l’intérêt pour comprendre plus étroitement les interactions des écosystèmes au milieu urbain.


D’autre part, les méthodes de conception des trames vertes nous révèlent que les projets sont souvent travaillés à l'échelle la mieux maîtrisable par les concepteurs et qu’une faiblesse du maillage ou une mauvaise compréhension des processus écologiques à toutes les échelles compromet le potentiel du projet dans l’aspect de la conservation de sa biodiversité. L’accent de l’aménagement de la trame verte est mis prioritairement sur les activités récréatives qui peuvent y être pratiqué et reflète une meilleur compréhension et maîtrise de cette dimension du projet.


La ville de Vancouver dans son organisation a mis en place quelques stratégies pour tenter de mieux outillé ses professionnelles. Elle base sa stratégie sur la mise en commun des intérêts et de l’investissement entre les différents groupes de la société (gouvernement,  agence de l’environnement, entreprise privé, organismes communautaire) ainsi que sur des outils technique comme les cartes recensent la biodiversité de son territoire.  Dans son plan d’action pour 2020 la ville met l’emphase sur la nécessité d’aborder le projet par la valeur de l’écosystème qui demande de trouver un équilibre entre homme et la nature.




CONCLUSION


La trame verte permet d’améliorer la qualité des services offerts par les écosystèmes (approvisionnement, culturel et environnementale) et les bienfaits traditionnellement apportés par les espaces verts en termes d’esthétisme, de bien-être psychologique et sociale. La trame verte accroît également les capacités de régulation thermique à long terme et sur une plus vaste échelle. C’est au regard de ses impacts positifs que la trame verte est considérée comme un outil d’aménagement prometteur permettant aux villes d’augmenter leur résilience et leur adaptabilité face aux changements climatiques. 


La pensée d’un paysage non figé et hétéroclite aux ressources mouvantes est fondamentale dans le concept de la trame verte, exige l’adaptation et l’intégration des facteurs de l'usage et des pratiques aux aspects morphologiques et structurels. Dans cette optique, des auteurs comme Hough (2002) développent l’idée ‘’Adaptice management’’, méthode basée sur l’incertitude de l’appropriation des usagers d’un lieu et de l’imprévisibilité de l’évolution de la ville dans le temps. Le cadre de la méthode permet de valider si les moyens d’actions atteignent réellement leurs objectifs et de réajuster ceux-ci en fonction des usages improvisés ou accidentels d’un site (risque de mauvaise adaptation). La ville de Vancouver est un des villes qui adopte cette philosophie pour concevoir, planifier et entretenir les espaces naturels qui composent sa trame verte. Cette approche pourrait constituer un potentiel pour perfectionner les méthodes de conceptions actuelles et fournir les outils nécessaires à une meilleure planification des écosystèmes.  




BIBLIOGRAPHIE

BERTRAND, F., SIMONET, S. (2012) "Les trames vertes urbaines et l’adaptation au changement climatique : perspectives pour l’aménagement du territoire". VertigO – la revue électronique en sciences de l’environnement [En ligne], Hors-Série 12, mis en ligne le 04 mai 2012, consulté le 05 octobre 2012.


LINDSEY, G. (2003) "Sustainability and urban Greenways: Indicators in Indianapolis". APA journal 69, 2: 165-180


R. MILLER, J. (2008) "Conserving biodiversity in metropolitan landscape: a matter of scale (but which scale?) ". Landscape journal 27: 1-08, p.115-126.



SITE INTERNET
Programme de recherché Trame Verte Urbaine. http://www.trameverteurbaine.com/ . Date de la dernière consultation le 22 novembre 2012.


Site de la ville de Vancouver. http://vancouver.ca/green-vancouver.aspx.  Date de la dernière consultation le 25 novembre 2012.


Carte du projet Centrale Valley Greenway. http://www.translink.ca/~/media/documents/cycling/central%20valley%20greenway/central_valley_greenway_route_map.ashx.  Date de la dernière consultation le 25 novembre 2012.

«La trame verte est un outil d’aménagement du territoire, constitué de grands ensembles naturels et de corridors les reliant ou servant d’espaces tampons. La trame verte est un projet de maillage vert qui met en connexion des chemins, des haies ou des canaux sous forme de corridors qui permettent les flux d’espèces animales et végétales.»

Extrait du site internet Trames verte urbaine


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