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BEST MANAGEMENT PRACTICES - Les eaux de ruissèlement

I N T R O D U C T I O N

Dans l’inévitable question de l’impact des changements climatiques sur l’aménagement des zones habitées, la gestion des eaux de ruissèlement est préoccupante. En effet, le changement des flux de précipitation est un des facteurs qui accentue le plus la pression sur les réseaux d’eau pluviale dans les villes. C’est que l’urbanisation rapide du territoire a créée de vastes surfaces imperméables en plus de causer des changements de topographie irréversibles. L’effet immédiat de ces transformations est de briser l’équilibre hydrologique à l’échelle locale (Burns & Al, 2012). Les systèmes d’égouts pluviaux ont donc été construits dans une optique d’évacuation totale et immédiate des eaux de pluie, qui ne s’écoulent plus de façon naturelle. Ils coûtent cher à construire et à entretenir, répondent difficilement aux évènements majeurs et n’apportent aucun bienfaits visuels.



Cependant, avec le nouveau paradigme des villes « vertes », de la gestion des eaux de ruissèlement a pris un autre sens grâce à l’émergence des « Best Management Practices » (BMP) aux États-Unis et au Canada. Vladimir Novotny, chercheur et directeur au centre d’études environnementales et urbaines de Boston, affirme que de telles pratiques optent pour une approche d’évacuation plus lente qui permet l’évacuation de l’eau via la biofiltration et l’évapotranspiration, et ce, sur le site même où la pluie est tombée. Or, dans une perspective de densité urbaine, est-il possible de concevoir des aménagements selon les principes du BMP qui permettent de diminuer efficacement le flot d’eau de ruissèlement sans occuper de superficie importante?



Il faudra d’abord déterminer quels sont les objectifs de performance économique, environnementale et sociale que sont supposés atteindre ces aménagements. Ensuite, une brève description de différents aménagements types, ainsi que sur des manières de déterminer leurs dimensions seront effectuées. Ces principes seront illustrés avec l’exemple de la ville de Portland, qui sert présentement de modèle nord-américain dans la gestion des eaux de pluie en milieu urbain. Finalement,  les limites du modèle de Portland et des aménagements que la ville propose seront exposées, afin de déterminer le rapport effort/effet des Best Management Practices.





























fig 1: évacuation rapide des eaux - Los Angeles River (Novotny, 2008)







































fig 2: infiltration dans le sol - Best Management Practices à Portland (BES, 2008)




1     O B J E C T I F S



Un peu partout dans le monde, certaines autorités locales responsables de l’aménagement de leur territoire élaborent divers concepts pour l’évacuation des eaux de ruissèlement selon le BMP. Bien que ces concepts ne soient pas normalisés, ils peuvent être évaluer par le système Triple Bottom Line (TBL, voir Fig. 3). Effectivement, depuis 1969, le congrès américain requière que tous les projets financés par l’État fassent l’objet d’un relevé sur l’impact environnemental, économique et social de leur gestion des eaux (Novotny, 2008). Selon les trois principes du système d’évaluation TBL sur lesquels sont fondés les BMP, la gestion des eaux de ruissèlement doit atteindre quatre objectifs principaux (Burns & Al, 2012) :


- Restaurer l’équilibre hydraulique à l’échelle locale;
- Diminuer, voir éliminer les polluants dans l’eau avant sont retour dans le système hydraulique;
- Réduire les coûts économiques de l’évacuation des eaux tout en exprimant les infrastructures de façon plus attrayante;
- Être accepté par la communauté que ces aménagements desservent.





1.1     RESTAURER L’ÉQUILIBRE HYDRAULIQUE

Avant de réparer les erreurs, il faut éviter de les commettre. Ainsi, Novotny suggère de garder intact le réseau naturel de lacs et rivières lorsqu’on intervient sur un site nouveau. Si cela n’est pas possible, l’évacuation des eaux selon le BMP a pour but d’empêcher les inondations en milieu urbain. Le chercheur recommande d’ailleurs de concevoir un système de captation des eaux qui imite dans son organisation les structures présentent avant le développement humain. Ses structures sont organisées à une échelle beaucoup plus grande que celle avec laquelle nous avons tendance à organiser les infrastructures de gestion des eaux. Effectivement, les réseaux artificiels sont plus souvent qu’autrement développés par fragment, avec une hiérarchie inadéquate. En sachant que les rivières se forment dans les points de convergence naturelle des eaux de ruissèlement, Novotny rappel que ces endroits sont tout désignés pour un recueillement optimal. Ce raisonnement n’est pas nouveau. Dans tous les parcs qu’il a conçus, Frederick Law Olmstead dessinait toujours des systèmes d’élimination des eaux suivant l’hydrologie naturelle du site. Une grande différence entre les systèmes d’égouts souterrains et le BMP est la porosité des infrastructures. Effectivement, l’élimination de l’eau de ruissèlement par l’infiltration des sols plutôt que par l’évacuation via des tuyaux participe à la restauration du régime hydraulique souterrain (Burns & Al., 2012) 


1.2     DÉPOLLUER LES EAUX



Le deuxième objectif à atteindre est la diminution de la pollution dans les eaux recueillies. Présentement, les eaux de ruissèlement sont majoritairement traitées chimiquement dans des usines ou même carrément rejetées tel quel dans les cours d’eau. Or, une étude effectuée par  l’équipe de Matthew J. Burns (2012, Département d’ingénierie civile et de gestion des eaux de l’Université de Melbourne) démontre la reconnaissance du fait que les eaux de ruissèlement sont une source importante de la pollution des eaux. Le niveau élevé de nitrogène,  qu’elle contient contribue à la croissance exponentielle des algues qui à leur tour diminue le taux d’oxygène disponible pour la faune marine.



Les bassins de rétention étaient souvent utilisés dans les versions préliminaires de projets «verts » comme moyen d’absorber l’excédent d’eau qui ne pouvait pas s’infiltrer dans le sol. Or, ces surfaces d’eau stagnantes peuvent prendre jusqu’à trente jours pour se résorber, rendant certains polluants encore plus toxiques et biodisponible par la flore. Ainsi, on préconise maintenant la technique de biofiltration, qui consiste à aménager les rigoles de captation sur fond de sable et de végétaux qui filtrent et absorbent plus rapidement l’eau qu’elle reçoit. Effectivement, les recherches de l’équide de Burns ont aussi prouvé plus la perméabilité du système de recueillement des eaux élevée, meilleure sera la qualité de l’eau qui en découlera.


1.3     RÉDUIRE LES COÛTS ÉCONOMIQUES

En troisième lieu, le rapport des coûts de ces aménagements comparativement aux avantages qu’ils apportent est non négligeable. En d’autres mots, le rapport effort/effet doit en valoir le coup. Novotny affirme d’amblée que les systèmes de drainage en surfaces coûtent moins cher à réaliser, en plus de permettre l’amélioration des paysages urbains dans lesquels ils s’implantent. Ces systèmes permettent en effet de végétaliser l’environnement et peut même servir d’équipement récréatif. De surcroît, l’évacuation des eaux tel que préconisée par le BMP permet de capter, filtrer retenir et absorber les eaux de ruissèlement avec un seul équipement, alors qu’il en faut plusieurs pour effectuer chacune de ces tâches dans les systèmes traditionnels (Gallo & Al., 2012).


1.4     ACCEPTATION SOCIALE



Finalement, les aménagements doivent être acceptés par les gens qu’ils desservent. Certains systèmes en surface peuvent nous apparaissent imposants, puisque nous ne sommes pas habitués de les voir dans le paysage, la gestion de l’eau s’effectuant surtout sous terre. Il importe d’abord d’informer la population sur les avantages précédemment énumérés, ainsi que des gains appréciables en santé que peuvent en retirer les riverains, notamment par la meilleure qualité des nappes phréatiques d’où certaines communautés tirent leur eau potable (Novotny, 2008. Burns & Al., 2012).



Les professeurs Stuart Echols et Eliza Pennypacker de la Penn State University ont mis au point le concept de « Artful Rainwater Design » dans le but de maximiser les bénéfices dont peuvent profiter la population. Au-delà du traitement des eaux, ils ont définis les cinq buts que peuvent atteindre ces aménagements, soit l’éducation, l’usage récréatif et les relations sociales qui en découlent, la sécurité et bien sûr, la richesse esthétique.


2     D I M E N S I O N N E M E N T  D E S  A M É N A G E M E N T S


Une multitude d’aménagements peuvent être considérés comme du « Best Management Pratice ». Cependant, selon Burns & Al., celui qui rempli le mieux objectifs du Triple Bottom Line consiste en un réseau de recueillement linéaire en bord de route (vegetated filter strips), parsemé de petits bassins de rétention. Pour lui permettre de réduire la pollution de l’eau ainsi que l’impact des débits de pointe lors des moments de tempête, il faut respecter des règles de bases durant sa conception.



D’abord, les bandes de recueillement doivent avoir une pente qui converge vers des bassins de rétention. Cette pente doit respecter un angle minimum pour empêcher l’eau de stagner et ainsi encourager l’apparition de végétation parasite tout en ne dépassant pas une inclinaison maximum qui engendrerait de l’érosion et empêcherait l’eau de s’infiltrer dans les sols (Novotny, 2008).



Les bassins de rétention vers lesquelles ces bandes sont dirigées doivent faire environ dix mètres carrés (règle du pouce). Une profondeur de 0,2 mètres est suffisante si le substrat est composé de couches superposées de sable et de gravier totalisant 1 mètre de profondeur. Le gravier doit constituer la couche supérieure pour minimiser l’érosion et filtrer les plus gros rebuts se trouvant dans l’eau. Les couches inférieures doivent être constituées de granulat de plus en plus fin, toujours dans un optique de filtration optimale (voir Fig. 4). Un tel substrat agit donc comme filtre naturel ; c’est le processus de la biofiltration. L’eau est donc débarrassée de ses polluants avant de retourner dans le sol pour éventuellement atteindre la nappe phréatique. La composition des sols accueillants les bassins de rétention doit d’ailleurs posséder une porosité suffisante pour que ceux-ci soient efficaces. Autrement, de plus grands bassins peuvent être construits ailleurs sur le site, mais leur efficacité sera moindre. En effet, plus petits et dispersés sont les bassins de rétention, plus l’infiltration de l’eau dans le sol sera optimale (Burns & Al., 2012). Des aménagements plus profonds sont possibles, mais peuvent néanmoins représenter un danger advenant la chute d’une personne dans un bassin. Les abords de celui-co peuvent être aménagés de murs structuraux au lieu d’être conçu avec des rives « naturelles » qui peuvent avoir l’allure de marécage. Néanmoins, dans tous les cas, les bassins doivent posséder un système de débordement des eaux qui peut être nécessaire lors de pluies diluviennes. Ce système peut se déverser dans le système d’égouts existant (dans le cas de réaménagement) ou vers un drain de sol (Gallo & Al., 2012). Avec de telles dimensions, un bassin est suffisant pour desservir une surface imperméable de cinq cents mètres carrés, ce qui inclut les surfaces de toît dont l’eau n’est pas retenue ou éliminée sur place (Burns & Al., 2012). De tels aménagements sont préconisés par la ville de Portland puisqu’ils sont les systèmes les plus performants par rapport à la superficie qu’ils occupent et donc le mieux adaptés à un contexte urbain (BES, 2008).


3     P O R T L A N D

La ville de Portland en Oregon est reconnue comme étant la pionnière des BMP en matière de gestion des eaux. Son climat pluvieux a amené les autorités municipales à s’intéresser à la façon d’évacuer les eaux de ruissèlement de façon durable, toujours en s’appuyant sur les trois critères d’évaluation du Tripple Bottom Line. Toutefois, c’est l’approche simplifiée de la ville qui mérite d’être soulignée. Le Bureau of Environmental Science (BES) révise et republie constamment le Portland Stormwater Manuel, qui guide les concepteurs dès le début d’un projet quant à l’espace qui doit être réservé pour la gestion des eaux (Gallo & Al., 2012). Il simplifie aussi la tâche aux résidents souhaitant rénover leur domicile, puisqu’il est permis, à l’aide de ce guide, de concevoir et de faire approuver un projet de gestion des eaux pour un domicile unifamilial.



En gros, le manuel propose un dimensionnement simple pour quatre types de BMP (voir Fig. 5). Les recherches effectuées par le BES ont menées à des valeurs quantifiant le niveau d’absorption de chacun des types d’aménagement. Il suffit donc de multiplier la surface à drainer par le facteur correspondant pour trouver l’étendue  requise pour un type d’aménagement donné.



Le moyen le plus simple de réduire la taille de ces installations est de diminuer le flot d’eau qui doit y converger. L’aménagement d’un toît vert ayant une capacité d’absorption et d’évapotranspiration, en complément d’un réservoir de rétention des eaux (pour éventuellement la récupérée) est le moyen privilégiée par le Portland Stormwater Manuel.  La réduction des eaux de ruissèlement envoyé sur la voie publique dépend donc aussi de l’effort collectif déployé par chaque propriétaire de bâtiment, en éliminant l’eau le plus près possible de la source, c’est-à-dire sur la parcelle même où elle est tombée (Gallo & Al., 2012).


4     L I M I T E S  D ‘ A P P L I C A T I O N



Bien que l’exemple de Portland soit applaudit pour sa simplicité d’exécution, le même modèle ne peut pas être appliqué tel quel partout. En effet, le climat dont jouit Portland est idéal pour les BMP puisque les précipitations y sont fréquentes, mais peu intenses. Les recherches menées par Cory Gallo de la Mississippi State University démontrent que, pour être aussi efficaces que ceux de Portland, des BMP qui serait aménagés à Detroit, qui reçoit annuellement autant de pluie que Portland, devraient voir leur taille majorée de 66%, ce qui n’est pas souhaitable. Cette différence est due au fait que Détroit a des périodes de précipitation moins fréquentes, mais plus intenses. Ainsi, il est important de faire la distinction entre la quantité, l’intensité et la fréquence des précipitations.



Les chercheurs concluent donc que l’application de BMP selon les mêmes principes que ceux appliqués à Portland est faisable et souhaitable dans le but de faciliter la conception de BMP adaptés à d’autres villes:



« [This] tool could be modified and implemented in any U.S. city to facilitate the implementation of small-scaled BMPs. Furthermore, they could not only simplify the sizing process, but also standardize the calculation process, thereby reducing administrative responsibilities placed on city staff to ensure that designer’s calculations are correct » (Gallo & Al., 2012 : 334).



Bien que les BMP réduisent considérablement la quantité d’eau devant être traitée chimiquement dans des usines, il est incertain que les coûts économiques encourus par l’aménagement d’installations de surfaces soient moindres si elles doivent être juxtaposées à un système d’égouts traditionnels.  Cependant, les aménagements en surface donnent une occasion unique de  rendre l’espace urbain plus attrayant au niveau esthétique et même social.


C O N C L U S I O N



En définitive, il apparaît que la possibilité de gérer les eaux de ruissèlement en mode « Best Management Practice » se manifeste dans la majorité des villes des États-Unis et du sud du Canada (Gallo & Al., 2012). Cependant, la superficie que doit occuper ces aménagements de façon à atteindre les objectifs de performance du « Triple Bottom Line » est souvent trop importante. En effet, pour dimensionner ces installations, il faut non seulement tenir compte de la quantité de pluie reçue, mais surtout de la fréquence et de l’intensité des précipitations. Néanmoins, le modèle de Portland, constitué par son le Bureau of Environmental Science a adopté des mesures simples et normalisées quand aux infrastructures vertes. Il peut facilement appliquer ses principes dans d’autres villes nord américaines.



D’ailleurs, les BMP sont connus ailleurs dans le monde sous d’autres noms. En Australie par exemple, l’ensemble des grandes villes a adopté des mesures sur la gestion de l’eau nommées « Water Sensitive Urban Design », qui englobent  la récupération des eaux de ruissèlement. Le modèle australien est encore plus complet que celui de Portland, puisqu’il traite les eaux de pluies non pas comme un déchet à éliminer, mais comme une ressource (Kazemy, 2011).



Dans tous les cas, les recherches menées par Echols et Pennypacker (2007) ont démontré que la plupart des projets déjà réalisés ont fait bien plus que de remplir les critères de qualité et de quantité d’eau éliminée. Ils prennent part à la sensibilisation du public sur l’eau, l’éducation de la population dans les cas où les aménagements sont entretenus par les riverains, ils sont attrayant visuellement et deviennent parfois des œuvres d’art cinétique en soi. 


B I B L I O G R A P H I E




BURNS, Matthew J. et al. (2012). « Hydrologic shortcomings of conventional urban stormwater management and
opportunities for reform ». [Format électronique]. Victoria, Australie : Elsevier.


CITY OF PORTLAND - Bureau of Environmental Science (BES). (2008). Stormwater management Manual - Revision 4.


ECHOLS, Stuart et Elisa Pennypacker (2008). « From Stormwater Management to Artful Rainwaterdesign ». Landscape Journal, 27(2), 268–290.


GALLO, Corry et al. (2012). « Comparing the adaptability of infiltration based BMPs to various U.S. regions ». [Format électronique]. Missouri, Etats-Unis. 


KAZEMI, Fathemeh et al. (2011). « Streetscape Biodiversity and the Role of Bioretention Swales in an Australian Urban Environment ». Landscape and Urban Planning. [Format Électronique] Vol. 101, Issue 2, p. 139-148


NOVOTNY, Vladimir. « Sustainable Water Urban Management » In Jan Feyen et al (2008). Water and Urban Development Paradigms, Towards an Integration of Engineering, Design and Management Approaches [Format électronique]. Ohio, Etats-Unis : CRC Press.


WATSON, Donald et Michele Adams (2011). « The Altered Landscape » et «  Design for Inland Flooding » In Design for Flooding. Hoboken, New Jersey : John Wiley & Sons.

Fig 3: Triple Bottom Line (Novotny, 2008)

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